n-c kanaky

ici
sur ces terres pacifiques, on parle — encore — le caac, le bwatoo, le drehi, l’iaai, le fagauvea, le cèmuhî, le nemi, l’ajië, le païcî, le xârâcùù, l’arhâ, le pwapwâ, l’arhö, le drubea, le nengone, l’iawe, le hamea, le sîshëë, le yuanga, le haeke, le neku, le ‘ôrôê, le nyêlayu, le pije, le fwâi, le nyêlayu, le pwaamei, le tîrî, le xârâgurè, le haveke, le kwényïï, le nixumwak, le numèè*

*source, alk, académie des langues kanak

 

aujourd’hui, la première langue kanak que j’entends longuement — après les dialogues sur les lignes 20 et 40 —, du pije, langue d’Emmanuel Tjibaou, qui, à cette question : qu’est-ce que c’est, la langue, pour toi, répond :

quand parler la langue est ce qui lie à l’origine

qu’est-ce ça veut dire, en effet, conserver à tout prix une langue, quand :

et

exercice de prononciation

 une question de transmission
 …

ce sont donc des îles
vastes, rocheuses, des lagons
c’est une très vieille terre détachée hors du temps du continent australien
qui alors n’était pas ce nom
une terre ancienne
où afleure le socle rocheux des premiers temps
entourée d’une eau chaude
assez, selon
il y a de vieilles langues
des langues qui seules ancrent dans ce temps
seules ces langues sont de ce temps
ce qui résonne dans ce temps sonore
est toute une mémoire dense, la mémoire des premiers arrivés, des premiers pas
du défrichement
tout ce qui se nomme est une expérience
et cela se lit dans les langues d’ici
cela se lit encore

 

sauf à n…
à n… tout est recouvert
des collines et des collines
sillonnées en tous sens de routes abruptes ou plus molles
collines recouvertes de villas de béton, rares celles en bois et tôle qui restent
sans être des ruines

villas entourées de clôtures
des chiens aboient quand quelqu’un marche
n’aboient pas aux voitures
personne ne marche ici, personne, sauf ceux qui
pieds nus,
encore ne traversent pas la ville, en tout cas pas de manière visible
à un moment il sont là
en même temps ils semblent être là de toute éternité
pour le moment dans les marges de la ville
pour le moment dans les interstices
comme ne pouvant pas être là où ils sont
ne pouvant pas être là d’où ils viennent
alors, attendent, sont dans un autre temps
tandis qu’autour, le flux de trajectoires motorisées
qui superpose sans tracer

 

 

bord de mer
un bord de mer comme les bords de mer aménagés
restaurants, bars, hôtels avec piscine, animations sonores du samedi soir
les voix amplifiées au micro traversent la rue qui longe la plage
se perd sur les vagues
n’émet qu’un silence sonore
des moteurs rugissent
des voix, fortes
des rires, forts
pour rien

il sort du vaste enclos
marche lentement, sur les cailloutis blancs, ensuite sur la terre sèche les herbes brûlées
pas de pluie depuis des mois
de vraie pluie
quand les feuilles encore vertes s’amolissent sur les branches
vertes encore, mais l’absence d’eau grignotte la feuille de l’intérieur
le tour brunit, sèche, craquèle
pieds nus
tordus
de poussière
passe lentement derrière l’abri-bus au toit de tôle bleu clair, contourne, cherche au sol
quelque chose à ramasser ne trouve rien ne trouve rien à ramasser
rien que du sec
continue à marcher, ce qui dessine des figures en boucles, de fatigue traîne une jambe puis une autre
regarde à peine au-dessus du sol
ne se penche pas
il n’y a rien à prendre
il veut trouver quelque chose, environné de son odeur
vivre ainsi sans eau
il veut par-dessus tout
même sans cette force-là il veut trouver arrêter de chercher
à peine un moment
mais arrêter de chercher se reposer de chercher
sans avoir la force de ça, pour autant sans cette force-là
ne trouve rien, monte la côte traverse le parking suivi d’un chien blanchâtre doux couvert de plaques

personne n’a rien laissé tomber

n’a rien trouvé, devient contour derrière les palmiers

 

être là pour quelque chose
c’est-à-dire venir habiter
même un temps court
c’est cela
venir habiter venir être dans le temps
non pas être en visite
dès le pied posé, rester
tout entier
alors
ce qui se passe là, se déploie
sans heurts
sans détours
sans frein
tout arrive
le temps, ensuite, d’étirer ce qui a traversé

 

 

aujourd’hui 28 novembre, à la question « qu’est-ce que la langue pour vous », May répond en païcî

cika (pron. tchika) répond en numèè

Alain, en drehu (pron. djéhou)

et, à propos du iaai (entretiens avec Daniel Miroux)

et comment se créent de nouveaux mots, en iaai

avec Inès, chez Christine, rencontrée à Pondicherry il y a quelques semaines, il est question de la langue, de la coutume, du métissage…

 

en iaai, ce texte

 

ame caa thawââ ang jee hmyaamödrin

e kaa caa bwebweetrut tang tiiny
e kaa caa bwebweetrut jee jöö
e kaa caa xundut

me e hnyibû hmweledraany
ûnya ke thob

wââ ame caa mwede
ûôngon ame caa mweede

ebë but ke at
e ka haa hofuuc

e ûii hia but fao

haba walang ang ûen ee ebë hwenööniny

at ame hwenyi ga bii ûöö
me ame laba aang

ta jee ûen adreme ooxacaa

 

dremet ödrine thelööng melam
dremet ame kââtrhmââ melam ejii

ke ünyi ae waahma ame uhni
me ke ünyi hminya

ame hingölö hmudra hnyi hnyimen

haba ta jee hofuuc me ame kâlâ unyin
ta jee hofuuc ae hum

 

 

 

devenu tel que après de très belles heures passées avec Jacques, un kanak d’ouvéa (iaai)

 

jacques drehou

 

Jacques le dit, sous le vent, et sous le kiosque non loin de la fontaine de la place des cocotiers, au centre de Nouméa
il fallait que ce poème soit ainsi traversé de vent, impossible de l’éviter, et soit travaillé au dehors, parmi

et à « qu’est-ce que la langue », en ce jour de très grand vent, Jacques répond, en iaai

de la perte

en nyelâyu, « la langue, c’est ma source. la langue, les ancêtres me l’ont transmise pour que je sache d’où je viens… », Raphaella, qui vient de Bélep, cette île tout au nord de la Grande Terre

 

et ce texte flottant, en nyelâyu, parce qu’en travaillant avec Raphaella, s’aperçevoir que le nyelâyu de bélep n’est pas le même que celui de Balade, sur lequel j’ai travaillé. des structures de phrases identiques, mais le vocabulaire, non (comme en témoignent les mots entre ( ) qui ont en nyelâyu de Bélep. peu de formes, donc, posées

 

ta cema (tâ caviâ)
ta cema

bwa ta hà no-ic, no-me

haria aju kia li er

ayua-n me ta pe-ter

ayua-n me ta pe-yaaveen

adalic me ta pe-yaaveen

adalic (alalic)
thuya gun

ayua-n me ta (kiâ)

ayua-n me ta pe-yaaween
maagoo
na-r we

ta hon nabac

ta noor
haria thevâ-n

bwa harevan haria cu thevâ

adalic li er me ta wa-maolep âda

phoro maalee-r

bwa ro-n kêlâ

bwa ta cema ta temwa
bwa havan ta temwa
bwa harevan ta cu ta temwa

adalic li er ta temwa
harevan ta nyelâ (naena)

 

bwa an ta palep wam chee-r

bwa ta yaamwee
pwerek (pwagâ)
bwa ta yaabwar

 

et en langue drubea (djoubéa), par Marie-Gabriella

en neku, avec Géraldine, de la tribu de pouté, de Bourail