- KL et Malaka, malaisie
- jodjakarta, indonésie
- chennai et pondicherry, inde
- hà nội et les montagnes du nord, vietnam
2. journal indonésien 8 / 25 septembre (en cours)
vendredi 8 septembre, Yogyakarta
début du premier jour d’indonésie
4h20
le muezzin en haut-parleur
s’entend de la chambre et du jardin comme s’il était là
et puis d’autres haut-parleurs chantent dans l’encore nuit des tropiques
de tous les lointains
viennent d’autres voix, celles des priants, hors micro
des murmures d’hommes dans la distance
puis du silence humain, mais des oiseaux
et des coqs dans la cour, de l’autre côté du mur ouest
les voix des priants
murmures dans le jour naissant
reprennent vers 5h
au hauts-parleurs s’enchaînent les salam aleikum
les appels aux devoirs de la journée en bahasa indonesia
et… terima kasih merci (recevoir donner en mot-à-mot)
chambre petite, en béton peint, avec des aérations rectangulaires et fines sur chaque mur, percées en hauteur
une ampoule blanche, nue et un ventilateur
une porte en bois et des battants peints en marron
années 40/50
la poignée de porte me rappelle exactement celle qu’il y avait
dans une des maisons de mes grands-parents
une tête de lit en bois peint en sombre, années 50, avec trois hublots fermés de verre tramé, qui dispensent une lumière de néon blanche
le bruit du ventilateur et des oiseaux, nombreux dans les palmiers du jardin
mot à mot
peu à peu
devenir dans la langue de l’autre
devenir quelque chose, un fragment mis bout à bout
dans la langue
dans la langue autre
qui en même temps pénètre quelque part
encore indéterminé
dans la langue et hors la langue, débordant la langue
laisser quelques heures passer avant de marcher
entendre l’air autour
la chaleur monter
le temps, devenir
et puis y entrer
peu à peu
de quel côté entrer
tout se tient, tout est ensemble
sans pour le moment d’intervalle
où
pas encore
aujourd’hui
n’est pas ici
l’espace où je marche aujourd’hui n’est pas un lieu commun
en aucune manière
ça s’étire et se tend à chaque pas
c’est un futur sans partage encore
je n’ai pas la même vitesse
suis encore pesant d’ailleurs
d’autres mondes
de toutes les langues où ils ne sont pas
loin encore de leur(s) langue(s)
encore très peu dans cette langue qui résiste
en ce premier jour
où je suis dans la confusion d’elle
partout dans ce quartier, des maisons et des jardins, parfois des échoppes et des cafés que je découvre peu à peu
alcool nulle part interdit
Internet filtré, « Internet positif »
plus tard
en fin de journée
entre les murs blancs d’anciennes propriétés coloniales, face à une porte en chicane à deux serpents verts
à l’ouest barat, puis au nord utara, à l’est timur, au sud selatan
se sont élevés plusieurs chants de muezzin, de différentes mosquées, en léger décalage
sensation acousmatique troublante, et des différrences de tons, presque en dissonance
puis repose le silence de la prière, tandis que les oiseaux, en nuit tombante, partout
passer la chicane
entrer sur un vaste terrain carré entouré de murs blancs
poussière et baraques fermées sur les côtés
au centre une vaste esplanade carrelée surélevée couverte de son toit de tuiles à quatre pans très abrupts, soutenu pas de nombreux poteaux
derrière une chicane identique à la première, une rue entre des murs blancs hauts, suivre un homme poussant sa cuisine roulante
jalan-jalan marcher entre les hauts murs blancs du Sassono Hinggil Dwi Abad ancien palais
déboucher sur une très vaste esplanade, la nuit est tombée, les derniers muezzins se sont tus
herbe brûlée, deux très vieux arbres au centre, l’un entouré d’un mur ajouré
quelques petits groupes ça et là
de grandes voitures à pédales, pseudo combi ou coccinelles, dans lesquelles on entre à quatre ou six, s’illuminent peu à peu, commencent à se mouvoir, animées de couples qui pédalent et font le tour de la place, lumières en mouvement, guirlandes lumineuses sous plastiques collés sur le métal de ces coques
ici, bis est bus, stasiun est gare, pasar est marché
la langue trouble le reflet sonore de la langue étrangère et réintègre le sens
en un son d’une autre netteté
l’origine des mots ainsi séparés est lisible, mais se perd quand la langue, tout autour
samedi 9 septembre
écarter l’espace autour de soi
être en même temps ici et en même temps ailleurs
la maison voisine à l’ouest est celle d’un menuisier
devant la suivante, trois petites peaux de mouton tendues par des bandes de rafia de couleur sèchent entre les trois troncs qui s’écartent d’une même souche
à côté, devant une maison, une vaste plate-forme carrelée clair, sous toit pentu, sous lequel se regardent en face à face quatre personnages assis, répartis en deux vitrines
sur Jalan Gamelan, un défilé presque ininterrompu de vélomoteurs dans les deux sens, vers malioboro au nord ou à l’opposé
malioboro, duc de malborough…
air ici c’est eau air mineral minum boire de l’eau minérale
mata oeil hari jour matahari, le soleil, est donc mot à mot l’oeil du jour
et aussi le nom d’une chaîne de magasins
le muezzin, aussi, à 4h30, cette fois me suis rendormi, à peu près, jusqu’à 6h30
il commence à faire chaud alors
grand jour, rallumer les ventilateurs, éteints à la nuit fraîche
déjeuner d’un sato ayam, ce matin, vendu par un marchant ambulant, qui frappe le steamer de sa cuiller pour prévenir de son passage
sato ayam est de la soupe avec un peu de nouilles, du soja, quelque chose de séché, de la citronelle et du poulet, avec un bol de riz et des brochettes de saté (de la peau de poulet enfilé en serpentin sur une tige de bois, sur la fin du bol)
ajouté du piment, servi dans un bol en plastique rose
tout cela est emporté sur un plateau de bois, et une fois fini on le rapporte au marchand, qui attend devant la grille, et on le paie alors
l’indonésien commence à entrer en moi, mon écriture se trouble de phonétique : pin pour pain fonetik
le confus, en ce deuxième jour, est la simplicité des mots et l’absence — pour le moment — de possibilité de trouver un sens à leur forme
un mot est — en tout cas dans la langue de tous les jours — est une forme (base) invariable, certes amendée de pré, su, a-ffixes
il faut ne pas confondre akan kalau kalan etc (marque du futur / si / quand)
tapi/tetapi c’est mais
beli c’est acheter j’achète tu achètes etc.
sudah c’est déjà et marque du passé
bisa pouvoir
saya bisa tunggu besok je peux attendre demain
je ne sais comment l’expliquer, mais tapi, beli et bisa ancrent une certaine confusion en moi
mau, vouloir
ici, à yogya, je suis dans le mau berangkat le vouloir parler
bahasa indonesia est langue véhiculaire, pas l’anglais — comme en malaisie
…
apprendre à vivre avec le couple de gardiens du lieu, sous leur présence et regard permanents
vous avez mangé hier soir ? ya ! ma soeur m’a dit que vous n’aviez mangé que de papaye !
…
à chaque nouvelle langue se faire à sa logique, refaire toutes les connexions entre la forme et le sens
perdre les anciennes, ce qui revient et se mélange
complique
tout à coup de la fumée de plantes brûlées envahit l’air du jardin, stagne entre les palmiers
refaire son esprit à chaque nouvelle langue, dissoudre, malléable du sens d’une langue à l’autre
trouver comment retenir dans la forme nouvelle le sens commun
dans un premier état de surface
ici, se servir du malais qui a défriché le terrain
à côté, le marteau du menuisier enfonce les clous dans le meuble qui se fabrique sur la terre battue, à côté des voitures garées
sous les palmiers
à chaque nouvel espace de langue, changer de peau
faire surgir alors l’autre d’où il est en dépôt
réaliser le multiple en soi
Doni et Ratna traversent le jardin, Doni, aveuglé par un glaucome aux deux yeux, suit Ratna
qui rit quand Doni trébuche ou fait tomber quelque chose qu’il n’a pas vu
— son aveuglement n’est donc pas très ancien
elle porte un téléphone portable qui sonne comme une radio, auquel il répond
premiers mots en indonesian (inedonéchiane) échangés avec eux tout à l’heure
le contraste est saisissant, ici, par rapport à la Malaisie, où ce qui domine l’espace physique et mental
ce sont les flux d’argent
ce que j’ai vu à KL en arrivant, ce qui est resté ensuite en se nuançant au fur et à mesure
c’est la présence visible de ce que l’argent fait aux hommes quand ils travaillent d’emblée leur espace
leurs espaces de vie
là-bas — ce qui est devenu là-bas déjà trois jours après
trouver un chemin sous les décombres de l’espace humain a pris du temps
l’espace visible de KL c’est celui de la toute puissance de la spéculation foncière
du désir devenu seul moteur social
partout dans KL sentre comme le long des autoroutes, d’immenses panneaux lumineux, ou non, appelant à posséder
à l’instant, un courant frais fait bruire les feuilles
temps de partir vers l’Institut
lentement, il fait très chaud aujourd’hui
…
revenu à la tombée de la nuit, impression d’avoir traversé tout yogya, alors qu’évidemment
une infime partie seulement
3 minutes après être parti, première traces d’eau sur la chemise
3 minutes
chaleur forte, soleil presque au zénith à 10h30
ombre rare
un italien de 70 ans installé ici me salue, me dit m’avoir repéré quand je lui dis habiter Siliran Lor
de rares conrants d’air me font espérer sécher
aucune chance
parfois, on me salue, hello, souriant
sourire en retour, ou même d’emblée, d’être le blanc (sans péjoration dans les regards) qui se mouille avec la chaleur
marche dans des ruelles où des lessives sèchent
aucun touriste ici
en passant s’aperçoivent les intérieurs restreints des plus pauvres, petites maisons branlantes à même la rue, sans jardin
parfois, d’anciennes maisons aux murs en tressages de fines lattes de bambou — ou de paille large — recouvertes ou non d’une vieille peinture blanche qui s’écaille
la chemise gris clair achetée à KL se teinte de traces sombres de sueur
suis loin d’être arrivé
traverse une artère emplie dans les deux sens de vélomoteurs et voitures qui avancent lentement au rythme des feux
un compteur indique la durée des feux, qu’ils soient au vert ou au rouge
pas un klaxon pour presser celui qui est devant, le rythme est lent, fluide, chacun s’évite
la chaleur croit, les deux mouchoirs sont trempés
zone de réparation des vélomoteurs, quelques échoppes de soto ayam et sprite
puis c’est une zone de copies de chaussures de sport
puis une mosquée en consruction, au kitch absolu annoncé par une photo du projet
maintenant, de part et d’autres de deux minces magasins de produits à base de riz et de sésame
des disquaires en nombre
enfin, le café repéré hier, ouvert sur la rue, désert sauf deux étudiants et leur mobile phone,
un grand et vieux ventilateur au fond de la salle contre lequel je m’assoie immédiatement
air chaud mais qui sèche
bancs et table en bois comme de palettes
thé menthe et citron, c’est à dire sur un fond de sirop de menthe vert, eau et citron vert et sachet de thé, glace
bon
je sèche vite et travaille mon indonésien
repars, sec, marche parmi un flot de voiture en continu
n’y pense pas
c’est fluide, c’est un mouvement, une avancée sans fin, la chaleur monte
maintenant, une zone de vendeurs de casques, de gants moto et de foulards de « protection » contre la pollution
et des chariots attelés de zébus, attendent le long du trottoir, temps lent parmi le flux continu de moteurs à explosion
traverser le flux, lors d’un très court laps entre deux masses mouvantes
ça semble être un jour de mariage, le samedi, ici aussi
arrivé à l’Institut, en eau, rencontre avec Elisabeth Inandiak
enregistré la rencontre, je repars au bout de deux heures
et rencontré Christine, l’ex directrice qui retourne en france mardi
marcher cette fois loin des voitures, dans un kampung (village) en contrebas des routes saturées
le kampung s’étale de part et d’autres d’une rivière
sacs en plastique dans l’eau, pas trop, et des enclos aménagés avec de la terre et des sacs blancs emplis de terre, de caillous, enclos pour élever des carpes ou d’autres poissons
il y a des hommes ici d’une extrême maigreur, des squelettes en peau, aux muscles à peine
étirés, presque des tendons
tellement
fins
de l’autre côté du pont, à la file, petites échoppes de fabriquants de trophées en tout genre, résine comme plexi, ou comme or
retrouver la rue empruntée pour monter, toujours en trafic dans les deux sens
l’air est plus frais, c’est-à-dire que chaque pas n’est pas une raison d’exsuder
changer d’itinéraire
retrouver le chauffeur de pousse-pousse en métal de l’aller, celui qui parle français, à la manière des anciens marins — ce qu’on imagine de — porte maintenant unt shirt jaune
fatigué fatigué me dit-il , rigolard, oui fatigué, mais non pas de pousse pousse, non
à l’entrée du quartier du kraton — palais du sultan
un défilé d’écoles en habits traditionnels, ou non
un peu cheap
beaucoup des élèves et étudiants peu motivés, un flou dans leur marche
les cortèges écoliers viennent s’échouer sur une grande place d’herbe brûlée
prendre à gauche du palais, ruelles étroites
seuls des sons de voix
ici, l’espace est celui de la langue, et de l’air
prendre en photo une plaque rouge où est écrit jam 10 malam dilarang etc. « à partir de 10 heures du soir, interdit de… »
(heure dix soir interdit…)
une femme sur une terrasse m’interpelle, me demande ce que je, lui réponds
me dit ah je donne des cours à deux élèves, voulez-vous entrer
m’offre un verre d’eau
air butih je lui dis eau bouillie (eau blanche) ya ya
veut quelque chose tourne autour de ce quelque chose vit seule veut qu’on se prenne en photo tous les deux ok et vous êtes seul ici
il est temps de partir et vous habitez où je ne me souviens pas du numéro ombre lègère dans ses yeux
retrouver la rue qui me rapproche
au supermarché acheter dentifrice et bouteille d’eau, saluer et remercier en indonésien, sourires
mais compter n’est pas encore ça
hésiter sur une glace tout est chimique, même magnum qui ici aussi se déguise en édition spéciale red velvet — qu’est-ce ? avec ce slogan l’imagination ne s’arrête jamais ou quelque chose comme ça…
grille rouge dorée de là où
les gardiens sont là, marchent dans le jardin
un glaucome, c’est contagieux ?
et la photo, ce n’est rien de laisser son portrait à une inconnue ?
faire une lessive, « coaché » par Ratna
machine à laver qui me rappelle celle que j’utilisais dans la maison première de mes grands-parents
moitié manuelle, en plastique, cependant plus vaste
fini la pastèque jaune et la papaye achetées hier à Malioboro Mall
en écrivant, placer de temps en temps l’ordinateur qui chauffe devant le ventilateur, à vitesse maximale
dimanche 10 septembre
lever 6h, au son du jet d’eau tenu par Ratna
qui arrose cette herbe grasse aux feuilles larges très rase qui est une pelouse ici, terre trempée
le ciel est gris ce matin, il ne pleuvra pourtant pas
derrière le toit, un palmier en éventail dont les feuilles sonnent comme du carton très rigide
si un peu d’air
quand la langue est un événement
c’est-à-dire quand les mots dits viennent de loin
d’une manière ou d’une autre
la langue lie à l’autre
les mots dits lient, créent un espace commun
proprement magique
c’est à dire sans cet artifice de la magie, mais dans la force simple et complexe des puissances qui agissent
le monde
parler crée en l’autre et en soi dans le moment où un espace de sens et et de volonté
ce qui est là, dans le mouvement intérieur au soi
se trouble
et se transforme
ce matin
makan pagi
(au petit déjeuner)
nasi utuk di petawi
du riz à la façon de Petawi (à Jakarta)
puisque je ne mangerai jamais de roti (pain) qui est de mie sous plastique
si Doni est aveuglé par le glaucome
Ratna est très myope, et s’approche à 10 cm de la feuille pour vérifier l’orthographe
de keniang (estomac plein)
simples mots d’un début de conversation
voyant que je baragouine quelques mots en bahasa indonesia, Ratna me parle en langue
je ne comprends rien, je suis dans le son
il y a la traduction de doni, et j’apprends, en ce troisième jour
toujours à la recherche de kulit pohon kertas, le dluwang
on me conseille d’aller à samarinda, à bornéo
j’écris sous l’auvent au milieu du jardin, sur une chaise vénérable à double canage
style indonésien en bois sombre, table recouverte d’un batik à motif de fleurs
l’ordinateur chauffe, pourtant placé sur des cales
chaque jour, les feuilles tombent
chaque jour, de jeunes pousses
chaque jour est l’ensemble des cycles
ici
une vie plus vaste
et chacun, ici, devant sa maison ou sa boutique
dans le périmètre du kraton, balaie les feuilles tombées au sol
tous les jours
l’infection montante
contractée via une épine simplement en surface du dos de la main gauche
attrapée quelque part entre Klia et Jakarta (comment ?)
a été stopppée par la pommade antibiotique emportée
dans la langue du village de muara jambi, sur l’île de sumatra
comme rapportée par Elisabeth Inandiak
balencom est un mot qui désigne « un objet lourd tombant dans l’eau (rivière/mer) en position verticale »
ou
blasur, « c’est bouger en déplaçant uniquement son derrière car se trouvant dans l’impossibilité de marcher »
ce qui en dit long
plutôt qu’une langue, ce sont des mots spécifiques au village
cette indonésie aux 756 langues + une, où je dois revenir
chaque jour est une immensité
aller à samarinda, c’est aller au lieu nommé de l’égalité
sama même rinda hauteur. à l’origine, toutes les maisons avaient la même hauteur, pas de hiérarchie d’un
occupant à un autre — enfin, de cette manière visible
l’air vibre autrement en agitant les arbres des tropiques
sonne le charriot de soto ayam, la soupe de poulet, qui passe de jalan en jalan, de rue en rue
le livreur d’eau vient d’apporter quatre lourdes bonbonnes pour les deux distributeurs d’eau potable de la maison
chaque heure de nouvelles feuilles à terre
jaunes
la mort se voit
quand ce qui vit est une durée
où les temps de chacun de l’ensemble des échelles du vivant
se superposent
où les chimies se combinent
depuis deux heures sous la table, à travailler en bahasa indonesia
écrire de loin en loin ceci
alors
non pas arpenter mais, dans cet apparent sur place
apprendre le temps
l’ombre qui se déplace sur le sol vert, les mouches qui se posent
le papillon géant noir et rouge qui vient de traverser
le son qui vient du fond du jardin lancé par intermittence par un animal encore
indéterminé, un son entre celui du grillon et celui de la grenouille
arpenter est en temps humain
rester au même endroit tresse le temps des hommes alentour et l’ensemble des
éléments et du vivant de l’espace où
longue sieste trempée, malgré les deux ventilateurs
parti à 17h enregistrer l’étonnante musique de foi
à cet endroit si particulier, entre les murs blancs et avant la chicane aux deux dragons verts
ce soir, cela sera mêlé du chant accru des oiseaux et d’une sono venue d’alun-alun (aloune-aloune), la place au-delà du Kraton
ce soir, les muezzin ont des sonorités glagolithiques
la nuit est tombé, l’air est doux
le son monte à alun-alun
des dizaines de grandes voitures à pédales, quatre places adultes avec chacune leur pédalier
coccinelles, combi, indéterminés, s’allument peu à peu
vont passer devant un jury au t-shirts orange festival alun-alun
la base est peinte pour la grande majorité en rose et blanc, parfois en variante de rouge et de blanc
décorées pour le festival d’un char de combat, d’un avion, d’un renne, beaucoup d’hello k, un pokemon géant jaune sur l’une, des tressages balinais sur d’autres
la place se remplit peu à peu de promeneurs, les chariots de soto ayam, brochettes saté, etc — chacun sa spécialité — se préparent
en bord de trotoar
des vieilles ou moins vieilles vendent bouteilles d’eau et sodas sur un étal en carton, ou une bassine posée sur un seau renversé
l’herbe brûlée se se dissout de plus en plus dans la poussière, devient sous les pieds poussière
un petit compresseur se met en route, alimente les batteries de moto posées sur les tables bases en plastiques
au centre de nattes en rangées
et les lumières blanches à économie d’énergie, accrochées sur une canne en bambou, éclairent, chacune faiblement, sa table
on s’installe ici après avoir emporté le soto, les brochettes, le nasi goreng (riz frit), ou le ronde (rondééééé, mélange sucré de fruits et gelée colorée) au chariot à deux roues
j’enregistre
une vieille derrière son étal se lève, voilée de bleue sombre, l’oeil en accroche. me demande d’où je viens. me prends la
main, un doigt imémdiatement me gratte le centre de la paume, en douceur
ce signe, malvenu, je retire ma main de la sienne, calmement vite
I love you dit-elle
me montre refleksi massages je décline, déglue
veut échanger ma bague contre la sienne
les mètres nous séparent, lentement, je pars en souriant, quelque chose glisse
ne reste pas
le défilé commence, commenté par deux marionettes humaines brevetées, au rire parfait et sonore, à la formule
efficace
lundi 11 septembre et mardi 12
lundi, 4h de sommeil à peine
voisins bruyants
parti vers taman pintar, palais de la découverte de Yogya, pour une inauguration
et
enregistré des langues, javanais, minangkabau, indonésien, kalimandan
juste après, pris mon premier pousse-pousse
plutôt agréable
un peu trop cher, mon premier
quand on dit 1 ou 2, satu ou dua,
penser toujours qu’on y ajoute parfois 10 000 après
ce qui n’est certes rien pour nous, mais ce n’est pas une raison pour
toujours cette même histoire qui, parfois, fatigue
mardi
sains, c’est la science
pesta est la fête
balai c’est maison / bureau maison de commerce, hotel de ville, etc.
gelas c’est verre, bien sûr
is c’est glace
coklat se reconnaît tout de suite
aujourd’hui dépassé, à 11h les remparts blancs par la porte sud, vers un quartier autrement agencé, sans doute
plus touristique, de grands hôtels à l’architecture pseudo-italienne, de petits kampung, quelques maisons
contemporaines, d’autres aux chapiteaux feuilles d’acanthes dorés brillants et surdimensionnés
déjeuner dans un self de je ne sais pas quoi, à part une cuisse de poulet et du riz, le tout excelelnt, parfois surprenant
et eau de coco dans une noix verte ouverte à l’instant
travail de l’indonésien depuis ce matin, et écriture
aujourd’hui, début d’une écriture de quelque chose
avec le dictionnaire indonesian-english acheté à genève il y a trois ans
avec le kamus 3bahasa acheté ici à malioboro mall
avec kolam, un recueil de poésie acheté au même endroit
avec Internet
surtout, dans l’écoute et l’ensemble des rythmes intégrés côtoyés depuis 5 jours et une nuit
resté enfermé quasi toute la journée
sieste longue et éveillée, à suer sur le lit, ventilateur à fond
impossible de bouger
travaillé depuis la sieste
continue ce soir
quelque chose, peut-être
mais je sens l’impossibilité de trouver l’être en indonésien
— une courte discussion hier sur la langue, et le reste
l’individu ne compte pas
comment rendre alors cette idée d’être ?
mercredi 13
entendu une première annonce muezzin à 3h40 !!!!
puis l’habituelle de 4h20
le rythme de chaque jour
toute l’année
5 azam par jour
les appels se mêlent selon les heures de la journée aux bruits changeants de la ville
au premier appel, quelques oiseaux, et les coqs voisins
au deuxième et troisième, se mêle le fluc automobile et vélomoteur, selon les rues
en début d’après-midi dans un plus grand calme, aux heures les plus chaudes, l’activité se retire
en grande partie
les kaki lima marchands ambulants ont fermé, font la sieste à côté de leur chariot
là où de l’ombre
kaki lima c’est pieds cinq, les deux pieds de l’homme, les deux roues et une béquille du chariot
les pousse-pousse, motorisés ou non, sont étalés sur le siège passager
le soir, c’est avec le chant des oiseaux au tomber du jour que résonne le ernier azam de la journée
ce matin, le tintement du chariot soto ayam à 7h30, appelle à sortir
déjeuné ainsi de soupe de poulet claire et riz
les parents sudarmati, hôtes, arrivés hier
madame m’a apporté ce matin, sous l’auvent, deux spécialités de Yogya, des boules jaunes en gelée jaune, gluant, ne sais ce que sait
légèrement sucré, à mélanger avec du lait de coco légèrement salé. le lait de coco dans un tout petit sachet plastique transparent, fermé par un élastique coupé noué, à dénouer ; et de petits haricots verts, légèrement sucrés (qui rappelent un peu le goût du dessert japonais aux haricots rouges azuki). à mélanger aussi avec du lait de coco, dans un autre petit sachet. mais n’ai pas mélangé
un autre son, comme une petite flûte, annonce le marchand de roti, de pain, de la swiss bakery, pain de mie sans croûte blanc blanc blanc
passé mon temps, depuis, à travailler et écrire
13:00, la chaleur empêche de sortir avant 17h — quand on a le choix de ne pas bouger…
inde
en savoir le moins possible d’un lieu avant d’y aller
c’est-à-dire ne rien projeter
le moins possible
pour être avant tout dans la plus grande disponibilité
je ne savais rien de la malaisie
je ne savais rien de l’indonésie
je ne sais rien de madras
ce que je sais de puducherry ou pondicherry
dans nos maisons, on l’appelait pondichéry
dans nos maisons, on parlait de pondichéry
quand je voulais ouvrir le vieil album de photos de famille
pendant les vacances d’été
que ma grand-mère le sortait d’une armoire
où il était à l’abri de la lumière et des saisons
et le descendait dans la grande salle
Pondichéry
c’était là que s’est installé l’arrière arrière arrière grand-père
le capitaine au long cours
c’est là que sa femme l’a rejoint plus tard
c’est là qu’ils sont enterrés selon le registre de Pondichéry, accessible en ligne
ou bien c’est là qu’il a épousé une des deux soeurs Prieur déjà là
l’histoire s’est perdue, en partie
ce qui est resté, ce sont quelques photos prise de loin sur la plage de Pondichéry une grosse femme et ses boys
sur une calèche
la seule chose que je sais de cette femme
de Nancy Prieur
c’est qu’elle mangeait des bonbons toute la journée
c’est ainsi qu’elle est restée
sucrée, alourdie j’imagine de jour en jour sans exercice autre qu’être emmenée dans cette voiture
tirée par des indiens
engoncée — comme peut le montrer la prise de vue au loin
ce que je sais d’autre
de l’inde
c’est peu d’images
oubliées les images
ce que je sais c’est seulement le cinéma de Satyajit Ray, que j’ai vu en grande partie
à la fin des années 80, dans les cinémas de la rive gauche
je ne sais rien encore
en vol, personne à côté de moi
un luxe que je vais savourer
commence le monde tamil
en deuxième langue cependant
après la langue du Sri Lanka sur Sri lankan airlines
et avant l’anglais
les inscriptions sont sur le dos du plateau du siège
d’un côté, ça commence par a, de l’autre par « u », (ou)
la question de la compréhension
du comprendre
comprendre et transformation
comprendre transforme
se laisser traverser un peu ou totalement
et retenir quelque chose
d’avoir été traversé
le corps/l’instinct comprend tout
ouvre tout
la raison resserre
une question de survie
en ce moment
à des dizaines de pieds au-dessus de cumulo-nimbus en formation
et parfois en traverser la suspension d’eau glacée en masses vaporeuses blanches à leur plus haut
transformation et compréhension
puissance de se laisser traverser et d’être exactement soi
quand le monde traverse
et retrouver peu à peu sa forme
être dans une autre langue permet de perdre sa forme
pour se reformer autrement ensuite
c’est une expérience pure de la compréhension
une autre langue dissous l’accès au sens
le transforme en une hypothèse nouvelle
une autre mise en forme pour un sens qui ne se résoud plus
avec la même formule
inititier ainsi de langue à langue un parcours de l’expérience du comprendre
quelles en sont les étapes
ce qui permet d’être quand rien n’est même
uyia paatugaabbudj saDdé u?gal
உயி? பாதுகாப்புச் சட்டை உ?கள்
iruggén gij uLLadu
இருக்கையின் கீழ் உள்ளது
life vest under your seat
apprendre le tamil quand partout tout autour
tout est écrit ainsi
les murs ici couverts d’inscriptions politiques
devant les quelles passent des milliers de voitures
camions bus ambulances voitures de police
et de motos motocyclettes happées dans les deux sens
dans un flux qui ne s’arrête ni ne ralentit jamais
vers des ailleurs de travail d’étude d’harassement de dépense
de repos à peine
(dormir dans le taxi entre deux courses
repos seulement le dimanche, en famille)
le car pour Puducherry n’est jamais venu ce matin à 6.00
seul à attendre avec un épais jeune homme
attendu sac au dos, une heure debout, posé le sac au bout d’un certain temps, sur le sol de terre et d’ordures sèches
arrivé bien en avance à 5h00 pour le car de 6 00, ce matin, de l’autre bout de la ville, parti de l’hôtel vers 4h00, dans la fluidité douce de la nuit. aucun embouteillage
attendu dans la gare routière vaste parking poussiéreux terre battue et fragment de sol bétonnné, éclairé de néons autres éclairages pour parking
quelques cars arrivés la veille
des chiens partout, sur les routes, devant les maisons, dans les quartiers
qui mangent tout ce que leur laissent les hommes
chiens d’une même race indéfiniment mâtinée
dans ce parking des bus, les chiens là où des hommes dorment, sur une paillasse de béton, à côté des reliefs de repas précédents
un chien sort, martial, un sac en plastique à la gueule, d’autres restes de repas, le pose près de moi, fouille, mange laisse le sac, repart à l’intérieur
un cafard, gras, gros traverse le morceau de béton où sont posés les quelques sièges pétalliques liés sur lesquels j’attends
plus loin, coincé entre un vélomoteur et le mur, un chien noir rêve bruyamment
à droite, entre des tôles au sol, deux gros rats cherchent
le jour se lève, un peu de mouvement, quelques hommes ouvrent des boutiques, balaient plus loin les ordures sur la terre sèche en poussière qui monte
temps d’aller à l’entrée du parking des bus pour attendre le car pour Pondichéry
c’est un marché immense le long de la rue, des feuiles de bananier des cannes etc. se vendent à même le triporteur ou le petit camion tata motors
le haut viaduc de béton d’une des lignes de métro de Chennai passe au milieu de la route
là, entre les deux sens de circulation, sur une sorte de plateforme de terre entre des rembardes de béton, parmi les sacs plastiques et aures déchets, ds hommes dormaient tout à l’heure, quand nous sommes passés à 5h00
maintenant, l’air est déjà dense de fumées et échappements de toute sorte
la masse sonore monte, et d’un coup il y a du monde en tout sens, encore plus, d’un coup, la présence humaine est augmentée
attendre immobile, là où (est-ce bien là ?)
ou quasi immobile, il faut parfois déplacer les sacs posés au sol pour laisser passer un car qui tourne de manière plus serrée qu’un autre
toutes les compagnies de bus se succèdent, pas celle que j’ai réservé
et tout autour, tout autour de nous, le mouvement est permanent, fluide, arrêté, les klaxons à fond, la poussière est épaisse et se mêle à la fumée parfois noire des moteurs
les triporteurs moto cars intercités executive A/C, 1rst Class se succèdent, des bus couchettes arrivent de tout le pays
pas le bus pour Pondichéry
croiser des visages épuisés, être mendié par un groupe de quatre hommes-femmes maquilllées, certain-es tatoué-es
qui sont ainsi, apparitions connues, parmi
une heure passe, la densité des mouvements a encore augmenté, voitures, camionnettes, triporteurs, moto et vélomoteurs, camions, bus des municipalités, fenêtres ouvertes en permanence, se succèdent, le jour est levé
le car ne viendra pas
tenter de joindre (via ma sim française) Prabhu qui ne répond pas
un chauffeur de taxi qui tournait-attendait depuis le début de notre attente s’approche
pour pondichéry, taxi ?
oui, avec sac à dos et valise de livres, oui, ne pas retraverser Chennai, non
les embouteillages sont là
repasser par les mêmes routes qu’à l’aller
repasser devant l’hôtel quitté quatre heures plus tôt
c’est stupide
cette impossibilité d’aller à Pondicherry
chercher un sens à ces détours
et retours
chennai est un sas
vers quoi
sur la route, de tous côtés
partout c’est écrit
et reconnaître des lettres tester des sons avec le chauffeur qui corrige
ne pas encore pouvoir mettre bout à bout tous les sons d’un mot
il me manque encore des lettres, et surtout des assemblages lettres de vie/lettres de corps
pour lire en entier des mots de plus de trois ou quatre signes
dans un hotel du bord de route — c’est-à-dire un restaurant, ici
continuer à apprendre avec tout ce qui tombe sous l’oeil, comme cette
le chauffeur se lasse
il n’est pas Prabhu le doux
champs de coton, palmiers, terrains où des vaches
des femmes cueillent le coton
arrivés à 11h00 à Pondicherry, nuée de vélomoteurs
voilà, c’est ici que, pendant trois semaines
arrivé dans une une guest house en attendant de rallier demain l’appartement
se doucher
ou utiliser le grand seau à remplir et le broc de plastique pour s’asperger
vaste plaques de marbre gris au sol, le reste, spartiate
un ventilateur comme une hélice d’avion…
se laver au broc, se couler dans des vieux gestes, les gestes faits pour la première fois en décalque
de gestes tant de fois vus, en même temps retrouver sans doute une sensation première
retrouver la voie de l’autre
l’eau est fraîche, délicieuse, mais colle, quelque chose dans l’eau colle les cheveux
calcaire ? saumâtre ? la peau reste après séchage collante
c’est cela aussi, ce passage d’une langue à une autre d’un pays à un autre
changer de nature d’eau
la peau le corps sent les minéraux, réagit, ne connaît pas, questionne par la sensation
première marche dans pondicherry, retrouver la rue de l’arrivée en taxi, premiers repères sans repère
marcher dans les rues défoncées, apprendre le pas de pondichéry
trébucher regarder être absorbé de tout ce qui est, quels sont ces signes d’être, de chacun, de croyances
reconnaître et ne rien entendre
les manières de conduire, de doubler, d’éviter, de regarder, de marcher, de demander, d’acheter, de tourner la tête
chacun est lié dans ce maelström de signes et de pensées
je marche dans cette forêt de symboles et c’est immense
toutes les couches des siècles sont là, l’ensemble des temps de chacun depuis tant de temps est devenu ceci
que je vois aujourd’hui dans les moments de chacun
à 15h déjeuner de chicken byriani dans une petite cantine family restaurant au bord de
dans un décor de crèche
avec des couples et leurs enfans, la télé passe une série comique, jeu outré des personnages, drôle — c’est le contexte
avancé dans la ville, à un marchand en coin de rue, acheté trois bananes pour 15 roupies, pendant qu’une femme achète des citrons verts
rues plus calmes ici, l’air est bon
à chennai comme à Yogya comme à jakarta comme à KL, cependant moins à KL
voir les gens mourir chaque jour
les gens respirer tousser cracher cet air tous les jours aspiré
(à Jakarta, à l’hôtel, sur une chaîne de téléachat, avoir ainsi vu des pubs pour des filtreurs à air pour les maisons, payables en mensualités, etc. : d’un côté des esclaves sans secours aucun, des plus miséreux aux moins miséreux, qui respirent cet air et meurent plus vite, tandis que quelques autres passent des voitures puissantes climatisées et filtrées à leurs appartements climatisés à air filtré, à des restaurants ou bars à air filtré, allant parfois pour des shoots d’adrénaline soft se perdre dans l’air des quartiers centraux, cependant tracés par leur GPS
tous les pans verticaux, de quelque nature qu’ils soient, le long des routes, et les murs des villes, les murs des ponts
écrits
je contemple depuis la sortie de l’aéroport la possibilité d’un sens
qui restera un possible
pour le moment, les mots sont des formes qui commencent à devenir sonores
lettre à lettre et parfois un mot entier devient son
une gamme encore
encore très approximative, à distance de la musique du tamil
glossolalie ainsi au contact de la vie là où les langues se parlent, sans ancun filtre ni horizon d’étude
quelle épaisseur ainsi à la sensation de la langue
c’est-à-dire que la langue partout quotidienne est exactement en formes multiples spatiales plastiques sonores, qui transmettent un sens où je ne peux être (tel n’est pas le but)
la langue autre là où elle se parle est un espace de sens que je ne pénètre pas — pas dans ces rythmes quotidiens, ce n’est pas ce qui
cotempler, donc, la langue partout présente, dans ses agencements, ses plis et ses déplis, ses effacements et ses issues,
contempler toutes ses formes sans être contaminé par ce qui est dit
contempler les formes du sens
émerveillé de cette beauté des agencements
loin du sens
(quand se comprend ce qui est dit, tombe la forme, disparait la langue-matière, sauf quand elle est vraiment travaillée à se dire — ce qui est rare)
là, à ces moments d’avant le sens, la langue est une matière visible
elle est le lien palpable qui lie les hommes entre eux
passer ainsi de pays en pays permet d’explorer cette dimension
la marche m’a conduit à la mer du Bengale aujourd’hui
sur les plages au bord de la white town, encore ordonnée, rangée
beaucoup de monde dans l’eau, entièrement habillés ou en simple « pagne » (ne pas en savoir encore le nom)
après suffren street, une vache grasse est couchée près d’un plat de riz qu’elle lappe de temps en temps
…
le jour est levé depuis plus d’une heure
les femmes dessinent devant leur seuil, et sur les marches du seuil, des motifs sacrés, à la poudre de craie blanche
devant le vieux temple, le dessin est plus complexe, exécuté en laissant filer entre les doigts la poudre. d’abord un premier tracé et puis le second qui renforce les traits
des nuages de libellules fines autour de la cime des arbres, à hauteur du 2e floor tax income lane
puissent-elles avaler tous les moustiques
une femme aux cheveux courts ramasse et balaie des ordures laissées sous une cariole
balai de tiges de feuilles de palmier et plaque de métal recyclée pour pelle
une voisine vient lui donner quelques roupies, un billet de 20, un de 10, la femme les ouvre, compte, les replie, les assemble avec une autre liasse
sans un mot, un geste, ramasse aussi cela, le melon lancé hier, éclaté, dont chaque moitié a été recouverte sur le tranché de pigment rouge sombre en couche épaisse
il y a le seau de plastique pour les feuilles celui pour les emballages
et puis le chien dominant arrive en courant, un sac à la gueule, le pose au milieu de la rue, déchire, éparpille une matière blanche ouateuse, pour atteindre quoi ?. la femme aux cheveux courts crie le fait fuir (pas loin), ramasse tout ce qui vient d’être répandu
la rue à nouveau nettoyée
les restes de nourriture sont disputés par les poule et coqs, les corneilles nombreuses, grises et noires, bruyantes, les chiens
les chiens de pondicherry ne sont pas lépreux, pulvérulents, poussiéreux, blessés et estropiés comme ceux de Chennai
les corneilles grimpent sur les casseroles refroidies des cuisines de rue, font tomber les couvercles des marmites d’inox,
s’envolent, reviennent
de petits écureuils beiges se nourrissent de riz et dattes offerts sur les murets
l’air est frais, traverse l’appartement, fans switched off
…
ce soir chaque temple, du plus petit au plus grand, sort la statue du dieu qu’il honore
chacune revêtues des tissus les plus vifs et dorés, toutes éclairées — le groupe électrogène suit
un dieu est porté par des hommes
tous les autres sont sur des carioles tirées poussées
le flux des vélomoteurs et voitures est intense, ralenti par ces cortèges, les klaxons en continu
et on traverse, en profitant du moindre interstice
marcher dans mahatma gandhi street
tous les commerces allumés, tout brille
un grand temple brille de dizaines guirlandes colorées
tout d’un coup voir quoi
Ganesh
oui un éléphant, un petit éléphant contre une voiture, qui oscille et avance très lentement
tout caparaçonné de brocard de tissus doré, colliers de perles aus pattes
l’éléphant parmi le flot de moteurs de sons en tous sens
plus loin, un char lumineux tiré poussé par quatre hommes, rriot lumineux, dans une petite rue
le palanquin rouge et jaune se prend dans les branches des arbres
l’avancée est lente, précautionneuse
partout à pondi des arbres
partout très feuillus, de l’ombre qui, avec l’air de la mer, atténue la chaleur
plus loin, dans le quarrier des joailliers et des marchands d’or, un autre char lumineux, tiré poussé par trois jeunes hommes, qui peinent, le groupe électrogène à la suite, coincés par mobylettes, motos, voitures
des femmes font les gestes de dévotion
un jeune homme soulève les fils électriques avec un long trident fermé en bambou pour que passe la char en guirlandes
repérer des royal enfield, magnifiques
…
ce matin
une vendeuse de poissons vient de passer, l’odeur forte du poisson frais est monté jusqu’au 2e étage
à 10h, au tour des odeurs épicées, qui fument des cuisines de rue
le ciel, lourd
marcher autour de la route d’auroville
maisons vertes bleus jaunes rouges
une vache noire traverse, s’arrête sur une des voies
regarde
les klaxons ne la font pas bouger
le flux contourne
marcher en direction de la mer, mais la mer n’est pas visible, il faudra revenir
pour le moment, faim
chercher un lieu où
quasiment tout fermé, après les festivités d’hier
une vache brune, une vieille vache aux traits tirés, et ventre énorme, débouche lentement d’un angle de rue, précédée d’un chien d’une teinte plus claire, assortie
ici, de toutes petites maisons, à toits de tôle, parfois recouverts de palmes sèches
un homme s’approche du robinet d’eau pour se laver
son vélo noir, à l’ombre, protégé par des sacs
13h, le soleil a bien chauffé l’air, un des tissus-mouchoirs acheté hier chez un tailleur de rue est déjà trempé
le second ne tarde pas à l’être
à ce coin de rue
un minuscule lieu à manger est ouvert
trois marches, l’homme assis à une table sous le ventilateur, le front marqué d’un trait blanc, et du point rouge et jaune, se lève, me fait signe de m’asseoir
je commande un biriani chicken, et des prawns
une femme est derrière la vitrine veg, une autre derrière la vitrine no-veg, absorbée par son smartphone
m’assieds
commence à sécher
l’homme m’apporte une bonne portion de riz parfumé, et avec fleurs de badiane, et cuisse de poulet, sur une feuille de bananier posée sur une assiette en plastique vieux rose
premier repas avec les doigts
je sais les gestes, observé les jours précédents
puis
se laver les mains dehors, au bidon avec robinet, posé sur un tabouret, dans la rue
remonter les marches et payer 190 rp
dire que c’était bon — ce qui était — faire ce geste de la main avec les doigts écartés
et des sourires
marcher dans la chaleur, retrouver le temple sur mahatma gandhi, personne
aujourd’hui les marchands de statuettes colorées de toutes formes tailles dieux ont remballé
comme les marchandes d’offrandes et celles de colliers de fleurs, les étals restent en place
plus loin, des réparateurs de vélo attendent à l’ombre
rentrer et reprendre le tamil
c’est-à-dire être en même temps dans le balbutiement en même temps dans une recherche de texte
dans une limitation absolue de l’expression
cette question récurrente et pourquoi s’y affronter sans cesse
comment écrire avec des outils limités, écrire quelque chose qui soit
tout en étant dans cette limite mouvante : les articulations de langue sont pour le moment très peu connues, et très imparfaitement
c’est vouloir écrire alors que le niveau de langue serait celui d’un enfant de 4 ans, en même temps que cette étrange hybridation d’un lexique mature
que faire d’un lexique tel avec une expression d’un enfant
la réduction des objets oriente ce qui s’écrit
en même temps que ce que je traverse
pour le moment les choses se troublent
d’être ainsi transfusées du vivant alentour
il y aurait comme un appétit
un appétit de la transformation, quelque chose qui n’a pas lieu sans perte, quelque chose qui s’étend et se resserre
qui n’a pas de sens et qui se détermine pourtant, dans le quotidien des éléments et des oublis, des attachements et des transferts
le temps traverse l’appartement, le jour se ferme, vite
dimanche 1er octobre
les pétales de toutes les fleurs lancées par les cortèges en fin d’après-midi sont écrasés tout de suite, ou un peu plus tard, par le flux qui se fait plus intense
…
4. Hà Nội et les montagnes du nord-vietnam
Ha Noi, premiers pas
à partir du 106 Chùa Láng, Láng Thượng
des deux 106 Chùa Láng, Láng Thượng, celui en inox devant une cour, et celui qui est une ruelle ramifiée en impasses, où je vais dormir dix jours
Chùa Láng est embouteillée de centaines de vélomoteurs honda, étudiants, grab, indépendants, quelques voitures, certains passent et se faufilent sur les trottoirs, entre les marcheurs, entre les deux roues garés arrêtés, les marchands de fruits aux étals posés au sol, entre les femmes qui préparent les brochettes, évitent les tabourets de plastique bleus où se boit le thé, à la pause de 10h, ou plus tard
étals vite rangés et emportés quand le thé est fini
étals qui arrivent pliés serrés sur le vélomoteur, en masse de tabourets emboités, de bâche roulée, de verres et bouilloire accrochés
derrière cet arrêt de bus, sur Nguyễn Chí Thanh, une vieille bouilloire d’aluminium noirci chauffe indéfiniment l’eau du thé, sur des braises entre de vieilles pierres
masse de poussière et échappements, marcher dans cette épaisseur
lumière filtrée
premiers pas
la langue partout, les lettres reconnaissables qui ne sont rien des lettres connues
et les lettres connues pourtant les voilent s’y accrochent
oblitèrent la langue autre
dans ce premier temps
lire les enseignes sans le ton, sans les accents, sans le bruit de la langue
être ainsi dans une non langue, une langue de l’approche
une combinatoire de signes « lus » mais de quelle lecture s’agit-il
puisque le son n’est pas encore lié
tourner à droite, sur Nguyễn Chí Thanh, une six voies enjambée par une passerelle pour piéton
à gauche, au loin l’inconnu bâti
à droite, l’inconnu vers lequel, ce premier jour
partout des inscriptions que tout le monde lit, les voyant ou pas, sauf moi
analphabète ainsi dans chaque nouvelle langue
ainsi à distance incommensurable de la possibilité de converser
aimer ce moment d’intense inconfort
quand, tout entier dans le désir d’être autre en soi
quitter l’avenue
et s’enfoncer dans une ruelle, bordée d’un mur orange délavé
traînées de mousses verte selon l’eau quand ruisselle
à l’entrée, de part et d’autres, une dizaine de petits tabourets bleus, quelques-uns occupés par des hommes, un thé vert à la main
une bâche est tendue au-dessus, côté soleil
marcher, en direction d’un possible retour vers le 106 Chùa Láng
la ruelle sinue, prend d’autres détours, entre des maisons/immeubles de cinq à 8 étages, des fils électriques, de modem, de téléphone partout, en noeuds de cheveux
mobylettes et cyclos en deux sens, klaxons, dépassent, évitent… le rythme des asies ici aussi
cependant un autre rythme qu’en indonésie, qu’en inde
apprendre peu à peu en marchant le rythme de cette ville
une coiffeuse, cheveux coupés, au sol
des intérieurs, exposés au passant qui ne regarde pas — sauf moi
en ce premier jour
apprendre aussi à ne pas tourner la tête
portes d’inox brillant à plusieurs battants, qui protègent les entrées
les boutiques sont au-devant de l’espace privé
juste derrière les fauteuils du salon de beauté, l’espace privé pourtant visible, canapé avec dentelles et écran plat
la ruelle tourne à nouveau, semblant en perpendiculaire de Chùa Láng, retourne, me trouble
une ancienne ouvre une porte de bois, et dévoile une cour avec une maison jaune ocre délavée, coincée à l’ombre des constructions autour, trace d’un autre temps, bientôt disparue
déboucher sur Chùa Láng
à gauche l’entrée d’une vieille pagode, la poussière à nouveau, le trafic un peu décru
dépasser le 106, entrer dans le circle K et chercher de quoi manger pour le soir
à deux pas de l’entrée de la ruelle, une femme à vélo posé vend des ananas découpés en spirales et des oranges à peau verte. j’achète 5 ananas pour 50 000 dongs
rentrer dans la chambre avec une vaste baie vitrée et une micro-terrasse protégée d’une grille à cadenas
en face, le mur est à toucher, gris ciment, à 70 cms de la baie vitrée, en verre sablé
bruits des cuisines et salles de bain…
allumer la télé, seule fenêtre sur le monde, d’une chaîne à l’autre, s’arrêter sur les infos en continu, à l’habillage proche de l’ensemble des habillages des news de la planète, contraste total avec les fictions sur les autres chaînes, aux canons absolument asiatiques
et une chaîne US recycle les pires navets des années 70 80 90 2000
les tons ne se perçoivent pas
ce qui se perçoit, et qui est les tons, ce sont des sinuosités sonores dans la phrase
comme si l’on changeait de volume d’un mot à l’autre, barres d’équaliseur visibles dans le temps de la parole
le vietnamien encore épars, très épars, des mots seuls
et les mots seuls, ça n’a rien à voir avec le vietnamien, qui combine
et crée de cette manière toutes les subtilités de l’expression
à d’autres niveaux encore que le français — ce qui s’entrevoit dès maintenant
quelque chose d’infiniment replié, que révèle les théories de mots d’un texte
leur manière d’être ensemble
comme si la vague de sens que la phrase construit d’un mot à l’autre se dédoublait se triplait se quadruplait dans des échos induits
sortir du 106 Chùa Láng à gauche, et prendre la première à gauche, après un petit restaurant de rue
des maraîchères assises sur leurs talons, sur le trottoir vendent des fruits du dragon, de petits kakis, des oranges à la peau verte, du poisson de rivière qu’elles nettoient avec le robinet sortant du trottoir
rient
je ne sais pas où je suis, quelle langue parlent-ils, comment combinent-ils ? comment le sens, derrière ces sons ?
d’un coup tourner à droite, apprendre à traverser le flux c’est -à-dire à être ouvert au temps des autres et en même temps dans le sien propre, lui-même ouvert à la perception des autres
se glisser dans l’ensemble des trajectoires et dans l’ensemble des vitesses de chacun, rendre perceptible aux autres son action et ses intentions, entrer ainsi dans le temps d’ici, trouver une pesanteur liée, puisque le corps et l’être ont dormi une première nuit, ont avalé et filtré les aliments d’ici, ont commencé à être dans cette chimie même, pour partie, cependant suffisamment pour commencer à être, parmi
partout dans les rues ces trajectoires infimes et répétées à l’infini du nombre
au bout de la rue, un petit lac-étang, aux bords maçonnés comme il y en a des dizaines à Hà Nội ça et là, des tabourets bleus, quelques rouges
plus loin, un café plus chic, où des cadres se retrouvent, chemises blanche, 10h ce matin, sur des chaises basses en bois, et tables
cela fait revenir sur Chùa Láng
un karaoké, un réparateur de motos et vélomoteurs
sur le porche, poule et coq picorent sur le trottoir
un café récent
un restaurant de rue
un karaoké
un café
un karaoké, un réparateur de deux-roues
la graisse est partout sur le trottoir
un placeur de deux roues attend, devant cette boutique
au bout de Chùa Láng, cette fois remonter l’avenue Nguyễn Chí Thanh vers la gauche
à droite une tour de deux dizaines d’étages, verte et jaune, et des sièges de compagnies
à leur pied, sur le large trottoir aux pavés disjoints, on boit du thé sous une bâche. soleil puissant
au carrefour, sur huit voies dans les deux sens, traverser…
prendre Đê la Thành, rue de marchands et fabricants de meubles
grands bustes d’Ho Chi Minh chez l’un d’eux
Đê la Thành, ce ne sont que des eux-roues, à peine quelques voitures ou petites camionnettes de livraison, qui se touchent presque, poussière et vapeurs d’essence font l’air
marcher d’arbre en deux-roues, contourner, apprendre la fluidité malgré tout ce qui obstacle
dès que possible, prendre une autre rue
s’enfoncer dans cette ruelle large, ombragée, traverser sous les noeuds noirs des fils électriques, d’une échoppe à une autre, déjà les restaurants de rue ferment
au loin, une rue large, et là, retrouver une proximité, des formes de bâtiments au loin aperçus tout à l’heure
première boucle dans la ville
tous les signes se bousculent, perçus ou non perçus, se construit leur combinatoire dans le temps de la marche
à un moment, quelque chose d’un texte vient, des bribes de ce qui
un pré-texte naît de la rue, dans la rue, s’inscrit dans le mouvement du corps parmi tous les autres corps
quand seuls, des livres, ou des objets médiés, le travail est autre, plus abstrait, peut-être plus à distance, sans le secours du corps
quelle langue existe, alors, de quelle manière une langue ainsi, sans le secours des corps pour la porter ?
la voix de chemin de fer, comme à Brazzaville, comme dans les villes tropicales, est à voie unique, traverse la ville les rues, sans passage à niveau, juste un portail bloque la voie au débouché des rues
quand pas de train, on marche sur la voie, ainsi un envers de la ville coupée en deux
le train passe au ras de l’envers, les wagons éclairent les cours et les murs
lent
métal bleu sali, vieilli des wagons, et compartiments en bois à l’intérieur, à chaque extrémité, photos en noir et blanc des montagnes et des peuples du nord, accrochées au-dessus des fenêtres
tout autour, la poussière, des immeubles de 3 à 5 étages, quelques tours, cependant, écrasent peu à peu les quartiers plus anciens — à peine de quelques décennies, déjà vieillis du climat tropical
dans quelques temps, si rien n’arrête l’expansion continu, Hà Nội sera une ville de condominiums d’échelles sociales différentes, qui entourent puis dévorent les vieux quartiers
seules les zones coloniales, des ambassades et le vieux Hà Nội, musée pour visiteurs des temps disparus
resteront
chaque soir dans les ruelles, de chaque district, des marchands et marchandes à vélo avec petits hauts-parleurs
chacun son rythme d’annonce
pédalent lentement, passent chacun à son heure, proposent des services (clés, etc.)
s’arrêtent à la demande (rare), le son alors se propage en écho atténué de ngách en ngách (impasse)
puis repartent, et sortent par la ngo (ruelle) sur la phố (rue)
il y a phô (arborer, exhiber), phồ (faux), phó (adjoint, vice—), phổ (spectre), phò (servir, seconder), à ne pas confondre avec phở (la soupe chinoise, qui se prononce « feu »)
les entendre chaque jour, chacun à son heure
ils doivent connaître chaque recoin de la ville, toute sa trame repliée qui s’enfonce à partir des phố dans les parcelles
via les ngõ et les ngách, étroits corridors sombres, où on achète de la viande à l’étal temporaire, du poisson de rivière à peine pêché, présenté dans des paniers de plastique, où on mange et boit
sur les murs décrépis par les saisons des pluies, de larges pochoirs bleus ou rouges avec numéros de téléphone et KCBT, corporation des maçons, qui proposent leurs services, dans chaque quartier
aujourd’hui, une tête de bovin, avec ses cornes, grille sur le trottoir, devant un immeuble en construction
les ouvriers font sécher leur linge au premier étage, dorment sur des paillasses en bois recouvertes d’une natte, le temps du chantier, viennent d’où ?
des vendeuses portent leurs fruits de rue en rue, sur de larges corbeilles d’osier plates, suspendues à une perche, de part et d’autre d’une épaule, chapeaux coniques
chaque jour s’étend l’aire de reconnaissance, et d’autres lieux approchés, en bout de lignes de bus
19, 24, 02, 07, 29, 34…, partout des quartiers grignotés par des tours de quelques années, ou en construction
bâches vertes volant dans l’air chaud, ou tissus de nylon à rayures fines à cette échelle blanc rouge blanc bleu blanc
reconnaître les gestes pour faire venir les enfants et deviner dans le đi đi impératif le viens allez viens
celui pour faire ralentir les voitures quand on traverse, les signes de tête ou du regard, tout ce que des siècles de vie ensemble, d’une manière ou d’une autre, a généré comme espace commun du signe
où rien des nôtres en commun
un enclos de calme dans chaque quartier, un temple
celui-ci, plus ancien que d’autres, protecteur/protégé d’un immense et vieil arbre, qui a ployé le mur depuis longtemps
en face un marché, s’y découpent des carcasses
un vélo débordant de friandises au blé soufflé, en larges sacs de plastique passe
les grab bike ont remplacé les pousse-pousse, devenus uniquement attractions touristiques dans le quartier dédié
dans cette rue, on ne vent que des objets de fil, ficelle, tressage, des cordages de toutes tailles et matières
à quelques rues de l’ambassade de Corée du Nord, une rue des roulements à bille, pots de graisses verte, brune, beige
pièces de moteur
dans cette rue, des soudeurs et des fondeurs
c’est une rue souvent empruntée avec le bus 19, pour travailler le Vietnamien à l’Institut. une rue commerçante, un peu plus achalandée que les autres, immeubles étroits, colorés, d’il y a 20 ans, déjà vieux du climat, les matériaux s’oxydent, s’opacifient, se troublent. souvent embouteillée. des fleuristes, des réparateurs de deux roues, des boutiques de vêtements, des cafés, tout ce qui partout se trouve dans les rues de Hà Nội
dans le taxi, Vũ me parle du bombardement quand il avait 6 ans
tout a été détruit par les bombes américaines une nuit. son quartier, où il vivait
dont il était parti pour visiter quelqu’un
Hà Nội alors sans voitures, mais des vélos, Hà Nội toute petite, traversée à pied en deux heures
des immeubles jaunes pour les ouvriers et paysans, unités d’habitations en béton peint, à trois quatre étages. il en reste. coincées derrière de nouveaux immeubles, ombrées par de hautes tours
quand construites, c’était au milieu des rizières
le lendemain du bombardement, Vũ est revenu dans le quartier
à 6 ans, se souvient des jambes, des pieds, des membres épars, des corps parmi les décombres
partout
…
partir ce soir pour six jours dans les montagnes du nord-vietnam
départ en train, trouver la bonne entrée de gare. pas trouvé, arpenté les quais, demandé partout (une question d’imprimé à échanger contre un billet), tout le monde nous indique le bon train, mais rien sur l’échange, une heure ainsi à aller de l’un à l’autre, rien de plus
quand devant le train, au moment où, quelqu’un a appelé quelqu’un et quelqu’un est venu avec les boarding pass
compartiment de quatre couchettes, tout en bois, draps, couette, oreillers, vrai matelas, confort normal ici
il nous emmène à 270 km de Hà Nội en huit heures, en s’arrêtant dans chaque ville et village
traverse le fleuve rouge sur le pont Doumer
peu après l’arrivée, quand dans les montagnes, le temps se dilate et se contracte
ce qui se voit dans les musées d’ethnographie, ce qui se raconte en histoires, dans les mondes occidentaux, ici, est
c’est ce qui se vit tous les jours, arracher à la terre de quoi se nourrir, mener les bêtes à la rizière, leur préparer à manger sur le foyer
une autre échelle de temps sinue d’une ferme à une autre
bambous tressés, toits de chaume de palme ou de bac acier rouge, gris ou bleu
architectures de bois des fermes, sur pilotis ou non
territoires h’mong, blacks, white, flower h’mongs, et tous les autres
rizières, qui sont des courbes stratigraphiques dans l’espace visible
quand les rizières couvrent tout un pan de montagnes, et même arasent un petit sommet
sommes littéralement dans une carte, et l’espace se courbe de niveau en niveau
tous les spectres de vert ici, de la forêt vierge plus sombre qui entoure aux verts des rizières
quand le riz pousse, vert presque fluo, quand il mûrit vert-jaune puis jaune
puis brun séché des pousses dans les rizières asséchées, et brun-gris des petites bottes de foin mises à sécher sur place
pour le foin des buffles
de l’ouest à l’est, selon les altitudes et les expositions, toutes les saisons en désordre en six jours, du riz en pousse au pieds de riz séché aux moissons
buffles gris, poilus ou moins, et vaches rousses, selon, dans les rizières
mangent
longues cornes recourbées, yeux vifs quand on s’approche
partout, des hommes et des femmes h’mong, red dao, thai, cao lan
une faucille à la main
partent en rizière, en reviennent, chapeaux coniques
étalent le riz sur de grandes bâches bleus sur la route
surfaces pratiques et chaudes, camions voitures vélomoteurs passent à côté
comme en inde et différemment, comme en indonésie et différemment
les mouvements des uns aux autres sont fluides, évitements et chorégraphie de la présence de l’autre
vivre ensemble à tous les instants, dormir aussi, en présence de tous, en hamac vite attaché entre deux montants verticaux, quels qu’ils soient
et où qu’ils soient, dans les triporteurs de métal pour les livraisons ou entre deux poteaux, deux arbres, un tronc et un pylône
partout, hommes et femmes travaillent
coupent, sarclent, tirent, poussent, étalent le riz encore dans ses balles (enveloppes) avec un petit « râteau » en bois plein
le riz qui occupe tout le temps, l’eau coule de niveau en niveau
quand on arrache les pieds de riz, les anguilles lovées au coeur sont prises
et mangées dans une sauce jaune- brun
les larges feuilles des patates douces, en réseaux, ramassées, forment de vastes masses molles, vertes, sur les vélomoteurs ou les dos des femmes ou des hommes
mélangées au riz pour animaux, cuites dans de vastes plats de métal sur les feux des cuisines, intérieures ou à l’air libre
nourriront les cochons
parfois aussi, cochons noirs ou plus roses dans les rizières, avec les buffles, quand le riz a été récolté
vêtements colorés brodés ou d’un noir dense des h’mongs, zones de couleurs dans les rizières
les troncs de palmier sont découpés en fines tranches, puis cuits et donnés au cochon
les feuilles servent de chaume, une fois séchées, ou fraîches, quand le palmier est un bananier, à garnir les assiettes, ou à faire cuire le riz à l’étouffée
un enfant a la tête ravagée par une tumeur
une autre un oeil crevé
d’autres parcelles sont défrichées par des femmes assises, fatiguées
là, des bottes de bambou vert, de 3m, entassées au bord de la route
là, des feuilles de placage sèchent au soleil, posées à plat sur le bord de la route, ou dressées deux par deux en vastes champs clairs
…
au bout de la ligne 45 à Ha Noi, en direction de l’est, time city
derrière un rond-point et sa sculpture en soleil de métal, une immense avenue à plusieurs voies dans les deux sens, lumineuse, sans poussière, bordée de trottoirs plus larges que les rues du vieux Hà Nội, à double rangées de très hauts et fins palmiers, qui poussent à partir de carrés de gazon découpé
Neo Ha Noi
Vincom Mall, et son entrée en bouche vitrée vers les souterrains électriques rutilants des surfaces commerciales brillantes, désertes
Vincom School, Vincom trees, Vincom corporation city
hommes et femmes semblent être autres qu’ailleurs dans Hà Nội
une ville dans la ville, comme riche, immaculée, grands immeubles de 35 étages, blancs, avenues larges, lumineuses, bordées d’un trottoir large comme une route, à double rangée de hauts palmiers, dont le tronc s’élance à partir d’un carré de gazon
vastes bassins avec jets d’eau
de part et d’autres, blanches unités d’habitation de 35 étages, centaines de familles empilées dans l’espace, aéré
comme si, ici, la pollution avait déserté
l’air y est transparent, la lumière à flots
time city
fin d’Hà Nội